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Une innovation de rupture dans la réparation de pièces composites

POWER AUTOMATION / BAYAB INDUSTRIES

par Equip'Prod

C’est l’histoire d’une rencontre à la fois technologique et humaine. Une rencontre qui a mené Cédric Pujols, fondateur de la société bordelaise CP3i – également directeur de Power Automation France – et Michel Déléris, PDG de Jedo Technologies, à repousser les limites des conventions pour entreprendre un projet long d’une décennie… et aboutir à une rupture technologique dans le domaine de la réparation de pièces composites à partir de l’usinage par jet d’eau. Une innovation aujourd’hui retenue et qualifiée par Airbus pour la réparation in situ de ses aéronefs.

Les deux initiateurs du projet : à gauche, Michel Déléris, PDG de Jedo Technologies, et à droite, Cédric Pujols, directeur de Power Automation France et de CP3i

Rien ne semblait, a priori, rapprocher Jedo Technologies (société née en 1987 et spécialisée dans la découpe jet d’eau très haute pression de pièces à 95% dans l’aéronautique) et la startup bordelaise CP3i de six personnes créée en 2008, dans un tel projet. Lorsque les dirigeants de ces deux entreprises se sont rencontrés, la collaboration s’est révélée malgré tout possible.

Le projet est parti d’un défi : « de nombreuses idées reçues persistent en ce qui concerne le jet d’eau abrasif : qu’il est cher, peu écologique, limité à des applications de découpe et qu’il délamine les composites, lance Michel Déléris, le PDG de Jedo Technologies. Or, tout cela est faux. Je voulais prouver que le jet d’eau abrasif est pertinent pour la découpe des composites lorsque les paramètres du procédé sont maitrisés et qu’il ouvre même de nouvelles perspectives grâce à l’usinage non-débouchant. C’est une solution à la fois économique, peu consommatrice d’eau et, surtout, sans délaminage et sans détérioration de la pièce ». Fort de cette conviction, Michel Déléris lance un programme de recherche et la thèse de François Cénac sur « l’usinage non débouchant par jet d’eau abrasif de matériaux composites ». Ensemble, ils passeront 10 ans à maitriser l’enlèvement de matière par jet d’eau abrasif autant sur les plans scientifiques qu’industriels.

Ce procédé, capable d’usiner les composites sans délaminage, intéresse rapidement l’industrie aéronautique sur une application totalement inédite : la réparation automatisée de pièces composites d’avions à partir de l’usinage par jet d’eau abrasif. Dans ce domaine, la demande est de plus en plus forte. « Il s’agit d’un métier nouveau en raison de la présence croissante de matériaux composites sur les grandes pièces telles que le fuselage ou les ailes, rappelle François Cénac. Or jusqu’aujourd’hui, cette activité de réparation s’effectue manuellement, de façon artisanale et dans des positions absolument inconfortables pour les techniciens qui, disons-le, ne prennent aucun plaisir à intervenir dans des zones quasi-inaccessibles ».

Robot sur table

La rencontre avec le dirigeant de CP3i et de Power Automation France (filiale d’un groupe allemand spécialisé dans les commandes numériques sur base PC ouverte) s’est déroulée il y a une dizaine d’années. « Nous avons très vite pris conscience que mettre en commun nos compétences, l’un dans la maîtrise de l’usinage et l’application réparation, l’autre dans la partie Commande Numérique, instrumentation du process et moyens de mesure, créerait une synergie gagnante, raconte Cédric Pujols. Nous avons alors commencé à travailler sur un démonstrateur d’usinage par jet d’eau abrasif puis un démonstrateur portable adapté à la réparation des composites ; c’est à partir de là que nous avons fait évoluer ce prototype vers une solution certifiée et industrielle ».

Un concentré de technologies

Une fois le défi technique relevé – celui d’aller au-delà des limites de l’usinage traditionnel –, il a fallu trouver le bon compromis « technico-économique ». Les équipes de R&D ont alors abouti à Reply.5, une solution d’usinage par jet d’eau abrasif robotisée et automatisée, munie de ventouses et capable de s’accrocher n’importe où sur l’appareil pour effectuer la réparation de pièces composites, et ce à partir d’un poste de commande au sol ou portatif. Reply.5 est capable d’usiner n’importe où, sans délaminage, et quelles que soient les difficultés d’accès, le tout avec une répétitivité totale. Surtout, il est muni d’un système de contrôle unique permettant, à l’aide d’une caméra, de cartographier le résultat d’usinage en identifiant l’orientation des fibres.

Le « 5 » de Reply.5 rappelle à la fois la course (500x500mm) et son poids : 50kg. Ce poids relativement faible pour une machine d’usinage, permet une manipulation par deux opérateurs. Ce robot se range dans son poste de commande, conçue pour être avionnable en container LD3. Pour faire tenir cet ensemble dans une caisse, Power Automation a réussi à miniaturiser au maximum la partie instrumentation et CN grâce à sa nouvelle Commande Numérique PA9000MC, et à réduire l’encombrement et le poids des câbles par la technologie EtherCAT, qui permet de brancher sur le même bus Entrées/Sorties, variateurs et moteurs.

Reply.5 peut être commandé au sol ou au pied de la pièce à réparer à partir d’une CN développée par Power Automation

L’architecture ouverte et flexible de la commande numérique PA9000 a permis à CP3i le développement et la complète intégration d’une tablette tactile industrielle, d’un système de cartographie par vision, d’une application métier et de son IHM dédiée. De plus, le tout fonctionne en 24V, à partir d’une alimentation électrique standard. « N’oublions pas que ce système est standardisé au maximum et qu’il doit fonctionner n’importe où et dans n’importe quel environnement ».

Une fois replié, Reply.5 peut être logé dans une caisse
spécialement conçue pour être acheminée par avion (voir en arrière-plan)

Ainsi, Reply.5 offre une simplicité de mise en route, une faible consommation d’électricité en 220V et d’eau (un simple robinet d’eau suffit) et plus de sécurité, tant pour les opérateurs (basse tension, pas de poussière de carbone) que pour le procédé (qualité et reproductibilité).

Des valeurs communes reposant sur une entière confiance

Un projet qui entre dans sa dixième année ne peut être poursuivi que si les partenaires se font totalement confiance ; ils partagent non seulement les succès de Reply.5, mais également les risques à la fois techniques et financiers. « Nous nous sommes avant tout mis d’accord sur la partie technique avant de traiter l’aspect financier ; nous étions sur la même longueur d’onde, précise Michel Déléris. La valeur primordiale étant l’humain. À partir de là, nous avions tout pour réussir notre entreprise ». Pour le PDG de Jedo Technologies, la technique, l’aspect financier et l’humain représentent un triptyque gagnant. L’avenir du projet, dans la continuité de cette aventure, a été pris en main par François Cénac, et la création en octobre dernier de Bayab Industries, qui s’est installée dans les locaux de Montrabé (Haute-Garonne), anciennement occupés par la R&D de Jedo Technologies qui mène aujourd’hui ses travaux à Labège.

L e Reply.5 en développement sur un fuselage installé dans les locaux de Bayab Industries

À ce jour, le procédé a été validé pour la réparation d’Airbus A350 et Reply.5 a été retenu pour une mise en service dès cet été. Cependant, Reply.5 n’est qu’une porte d’entrée sur un marché à fort potentiel. « Il s’agit ici d’une version portable destinée à répondre à un besoin bien particulier, mais le gros du marché se trouve en atelier, sur des pièces démontables, assure François Cénac, aujourd’hui président et directeur technique de Bayab. Nous développons d’ailleurs actuellement une nouvelle version de Reply pour des réparations de pièces composites de 2x2m ». Actuellement, la jeune société emploie trois personnes mais elle compte doubler son effectif d’ici la fin de l’année. L’entreprise vise, d’ici trois ans, un chiffre d’affaires avoisinant les 4M€, reposant à la fois sur la production, le SAV et la formation. Enfin, Bayab Industries entend bien ouvrir sa technologie à d’autres applications, avec l’éolien et le nautisme comme prochains secteurs en vue.

N° 89 Mai 2017