« Nous devons prendre soin de la filière ferroviaire »
AIF
parDans ce numéro d’Équip’Prod spécialement consacré au secteur ferroviaire, Héric Manusset, directeur général de l’Association des industries ferroviaires Nord-Pas de Calais – Picardie, nous donne son avis sur une filière qui, pour profiter de la croissance du marché mondial, doit impérativement se regrouper et innover.
Équip’Prod
Avant de prendre la direction de l’AIF, quel parcours avez-vous effectué ?
Héric Manusset
Après avoir obtenu mon concours d’entrée à la SNCF, j’ai effectué le parcours classique d’un attaché-cadre à la SNCF en étant affecté à tous les secteurs du groupe, jusqu’en 2006 où, alors que j’occupais la fonction de conseiller aux affaires européennes, un chasseur de têtes m’a débauché pour me proposer un poste de Directeur de département Transports et affaires européennes au sein de la CCI à Valenciennes. Ce challenge m’a plu et, en mars 2007, on m’a proposé de prendre la direction générale de l’association AIF.
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Quelles ont été vos premières missions ?
Cette structure était mal au point, tant au niveau des finances qu’au niveau de sa raison d’être. C’est pourquoi j’ai accepté à condition de pouvoir transformer l’association et en faire une entité conçue par et pour les entreprises. Cela a pris dix-huit mois pour tout remettre à plat mais le résultat est là : de 32 entreprises, nous sommes passés à 134, séduites notamment par les efforts de rigueur et de transparence. De plus, la gouvernance n’est plus assurée par des grands donneurs d’ordres mais par des petites et moyennes entreprises en raison de leur forte représentation (plus de 90% des entreprises du marché du ferroviaire dans le Nord-Pas-de-Calais sur des PME/PMI). Tous les secteurs du système ferroviaire sont présents au sein de notre conseil d’administration qui est présidé par Jean-Michel Hiolle.
Comment se porte le marché du ferroviaire ?
Tout d’abord, ce marché n’est plus français ni même européen mais mondial. En Europe, il évolue de 2% (en raison surtout des grands travaux enclenchés au Royaume-Uni) contre 6% en Amérique Latine et 2,7% en moyenne dans le monde. En plus d’être soumis à une forte concurrence – notamment venue d’Asie – ce marché est à la fois vaste et complexe en raison de ses différents métiers : infrastructures, contrôle-commande, matériel roulant – passagers et fret – services, maintenance, déconstruction, formation.
Que représente l’industrie du ferroviaire en France ?
La filière ne représente pas plus de 17 000 emplois en France. En comparaison avec l’automobile et l’aéronautique, c’est une petite industrie, mais qui doit répondre aux enjeux d’aujourd’hui pour survivre. Il est à noter que sur ces 17 000 personnes, 10 000 travaillent en régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Les deux régions représentent la moitié du marché français. Les autres régions concernées sont la Bourgogne avec MECATEAMCLUSTER, Midi-Pyrénées (Mipyrail) et Pays de la Loire avec le groupement Néopolia Rail. Toutes ces entités sont absolument complémentaires et chacune représente les autres à travers le Railway Business Cluster fondé fin 2013.
Il est important selon vous de se regrouper pour faire face à la concurrence mondiale ?
C’est plus qu’important, c’est vital. Cela va dans le sens des trois axes majeurs de la stratégie d’AIF. Le premier axe porte sur le partenariat entre les entreprises. Compte tenu de leur typologie, il est nécessaire qu’elles se regroupent afin de proposer une offre globale et des systèmes directement intégrables par les donneurs d’ordres. Ces derniers exigent en effet de n’avoir à faire qu’à un seul chef de projets.
Cette manière de fonctionner ensemble est la seule pouvant permettre à nos entreprises françaises d’aborder le marché mondial. L’export fait l’objet de notre deuxième axe stratégique. Quant au troisième, il entre dans la même logique car il concerne les compétences, au bon endroit, au bon moment. Celles-ci sont essentielles et passe inévitablement par la formation. Nous devons prendre soin de la filière ferroviaire sinon nous courons droit à la catastrophe.
Sur quoi porte l’innovation aujourd’hui dans le seteur ?
L’innovation doit répondre à plusieurs priorités. La première est liée à la rentabilité des trains et porte sur la capacité qu’ils auront à transporter plus de passagers. Pour ce faire, l’innovation doit permettre de récupérer plus d’espace et d’alléger au maximum les structures, tout en maintenant (voire en améliorant) les niveaux de sécurité. Cela passe bien entendu par l’emploi de matériaux composites, non seulement dans le nez des trains et dans l’habillage intérieur où c’est déjà le cas, mais aussi dans la structure même des véhicules.
Les autres défis de l’innovation concernent les services à bord, lesquels doivent davantage prendre en compte les attentes des passagers (en fonction notamment des évolutions technologiques) et l’environnement avec des systèmes de récupération d’énergie (au niveau des freins par exemple).
N° 62B février 2015