Interview d’Arnaud de La Fortelle, directeur du Centre de Robotique de MINES ParisTech
ParisTech
parDirecteur du Centre de Robotique, Arnaud de La Fortelle nous donne sa vision de la filière automobile de demain. En pleine évolution, celle-ci devra s’ouvrir davantage pour intégrer de nouvelles technologies, précise l’enseignant-chercheur.
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Quelles sont les activités du Centre de Robotique ?
Arnaud de La Fortelle
Le laboratoire repose sur trois grands piliers : l’enseignement, la recherche académique et la recherche appliquée. Cette dernière, particulièrement importante, nous distingue de nombreux autres établissements dans la mesure où MINES ParisTech dépend du ministère de l’Industrie. Le Centre de Robotique a été fondé en 1989 par Claude Laurgeau, professeur et ingénieur renommé, qui a notamment reçu le prix Engelberger de robotique. Directeur du laboratoire jusqu’en 2008, il y a apporté toute la partie robotique et lui a donné une place prépondérante. Aujourd’hui, nous travaillons aussi et de plus en plus sur l’immersion et la réalité virtuelle, techniques qui vont permettre d’améliorer l’interaction avec les robots ou les systèmes.
Dans le domaine de l’automobile, de quelles grandes innovations le laboratoire est-il à l’origine ?
Depuis des années, nous mettons au point de nombreuses avancées technologiques qui font leur apparition aujourd’hui et plus précisément dans les véhicules de milieu de gamme. Ainsi, le Centre de Robotique est à l’origine d’un brevet sur la signalétique embarquée déposé en 2000. Il s’agit d’un tableau de bord sur lequel apparaissent les panneaux de signalisation. A présent, cela nous paraît désuet, mais ces résultats de recherche anticipaient l’interface homme-machine que l’on trouve actuellement dans la voiture connectée. Nous avons notamment initié l’intégration de bus numériques et d’écrans plats, l’une des problématiques majeures résidant dans le montage final de toute l’automatisation dans le tableau de bord.
D’autres brevets portaient sur les parkings automatiques (1998), le scanning 3D de l’environnement (route, bâtiment, paysage etc.) à travers le projet LaRA 3D, la communication sur des zones de travaux présentant des dangers importants pour le personnel. En arrivant sur un site, on appuie sur un bouton pour avertir d’une zone de danger et diffuser l’information à tout le monde. Enfin, nous avons développé en collaboration avec l’Inria toute une architecture logicielle qui perçoit l’environnement d’un véhicule. Cette innovation a donné naissance à une start-up (Intempora) qui équipe les véhicules autonomes (mais également les drones) de son logiciel de prototypage RTMaps.
Selon vous, comment ces dernières années a évolué technologiquement l’automobile ?
Ce qui a vraiment changé, c’est le rôle que joue l’IT aujourd’hui et la manière dont elle fait évoluer l’automobile. La Silicon Valley a produit des sociétés leaders – tel Google – qui ont pour objectif d’être des fournisseurs d’intelligence pour les voitures. Elle a également donné naissance au constructeur atypique Tesla, qui, pleinement centré sur l’automobile du futur, révolutionne l’automobile traditionnelle.
Que manque-t-il aux constructeurs français pour rester dans la course ?
L’automobile doit, en France, agir davantage en tant que filière. Il est nécessaire d’avoir une vision beaucoup plus globale. En effet, la France ne représente qu’1% de la population mondiale. Or l’industrie automobile est mondiale. Il faut donc mixer les approches et travailler en réseau avec d’autres compétences et d’autres pays, mais aussi d’autres métiers et technologies. La nouvelle Chaire de recherche internationale que nous venons de créer chez Mines ParisTech va dans ce sens.
En quoi consiste-t-elle ?
Celle-ci a pour but de faire progresser la recherche et les connaissances sur les véhicules automatisés, de développer des dispositifs d’intelligence embarquée et de faire rouler des véhicules automatisés sur trois continents : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie. Elle concerne l’automobile et les véhicules terrestres en général et a été baptisée « Drive for You ». Outre son financement record de 3,7 M€, sa particularité est de réunir aux côtés du Centre de Robotique des partenaires académiques internationaux : l’Université de Shanghai Jiao Tong (Chine), l’Université de Berkeley (Californie) et l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse). Cette chaire est financée par des industriels issus de l’automobile comme Valéo et PSA, et de l’aéronautique comme Safran.
N° 63 février 2015