Le magazine technique des équipements de production industrielle

Entretien avec Thierry Guillemin, directeur général du Cetim-Ctdec

CETIM-CTDEC

par Equip'Prod

Anticiper les aléas du marché automobile

À l’occasion du Simodec, Thierry Guillemin revient sur les enjeux du secteur automobile pour les décolleteurs français. Face à une conjoncture favorable mais imprévisible, les industriels doivent maintenir le cap suivant une recette qui fonctionne : qualité, réactivité et investissement dans les nouvelles technologies.

Itw Cetim-Ctdec - photoÉquip’Prod

Quelle place occupe aujourd’hui l’automobile dans les métiers du décolletage ?

Thierry Guillemin

Avec près de 55% du marché du décolletage français, le secteur automobile est toujours aussi dominant. Et le rebond de la filière devrait maintenir cette position. Le fait aussi que les décolleteurs ont, en moyenne, retrouvé en 2015 leur niveau d’avant-crise (en affichant des résultats au meilleur niveau atteint en 2008), s’explique en grande partie par l’automobile. Il en est de même pour l’export : plus de 50% des entreprises françaises du décolletage exportent. Dans une compétition internationale rude, les décolleteurs arrivent à faire de la croissance. C’est naturellement dû en partie à l’automobile (mais pas seulement) et à la demande mondiale – stimulée par les pays émergents – qui tirent la croissance tout en exigeant des pièces de qualité et performantes ; n’oublions pas que dans l’automobile, on parle « grande série » et donc les volumes se chiffrent en millions de pièces.

Comment expliquez-vous l’implication du Cetim-Ctdec dans le domaine de l’automobile et ses axes de développement ?

À ces exigences de performances et de qualité que je viens d’évoquer s’ajoute la grande série et les problématiques qui y sont liées, à commencer par la production « stabilisée », c’est-à-dire faisant appel à davantage d’automatisation et d’instrumentation sur les moyens de production ; l’objectif est de rendre les machines « auto- adaptatives », en les dotant de moyens instrumentés facilitant la programmation et en leur évitant toute dérive durant la production. C’est l’objet de l’un de nos projets, Usitronic, qui représente un îlot complet de production comprenant une machine-outil et une cellule robotisée chargée de transférer les pièces vers tous les équipements périphériques (transitiques, contrôle, lavage, stockage). Elle peut ainsi s’auto-adapter pour garantir le zéro défaut.

Autre axe de développement, celui des nouveaux matériaux : comment les usiner, avec quelles conditions de coupe, comment atteindre de meilleurs niveaux de performance et de résistance, etc. Nous avons développé des moyens de tests performants pour déterminer les meilleures conditions de coupe. Enfin, nous travaillons sur la problématique du nettoyage des pièces ; si le niveau d’exigence est élevé dans des secteurs tels que le médical, il l’est également dans l’automobile pour certaines pièces comme les injecteurs, lesquels, alors qu’ils sont soumis à des pressions de plus de 100 bars, ne peuvent tolérer l’infiltration d’aucune particule. Cette question de la propreté vaut autant pour les opérations de contrôle que pour la maîtrise tout au long du process de production.

Comment voyez-vous l’avenir pour les décolleteurs français ?

Notre rapprochement l’an dernier avec le Cetim nous permet d’accentuer nos développements pour l’Industrie du futur. À ce titre, sur le Simodec, nous allons beaucoup insister sur cet aspect à travers des démonstrations de notre savoir-faire , des conférences sur les enjeux et sur nos grandes orientations technologiques dans le domaine. Le défi majeur aujourd’hui étant de pouvoir connecter les différents moyens de production entre eux. Les ateliers sont équipés de machines, de logiciels et de moyens de contrôle certes performants, mais qui ne travaillent pas encore suffisamment en synergie.

Concernant l’année 2016, on ne peut malheureusement rien prévoir. On peut voir apparaître une vague de croissance avant un retournement brutal de conjoncture. Tout peut s’envoler dans un sens comme dans l’autre. Reste aux décolleteurs à anticiper au maximum ces mouvements en s’organisant et en investissant, et aux fabricants à rendre les machines plus facilement adaptables.

N° 73 février 2016