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Après l’effondrement de l’industrie, les actions à mener pour reconstruire

par Equip'Prod

Après quelques temps de tergiversations, Emmanuel Macron a annoncé le 16 mars au soir le début du confinement. Une période de près de deux mois qui a sonné le glas dans l’industrie française, déjà fortement chahutée dès les premiers mois de l’année. Olivier Dario nous détaille les actions menées afin d’aider les industriels à s’adapter et à mieux rebondir au moment de la reprise. Du côté des mesures gouvernementales, le délégué général du Symop plaide pour un nouveau dispositif de sur-amortissement fonctionnant à partir d’un crédit d’impôt.

 Equip’Prod  

Lorsque l’on évoque cette crise sanitaire économique, quel mot vous vient à l’esprit ?

 Olivier Dario 

>> Olivier Dario – Délégué général du Symop

Pour moi, il s’agit avant tout d’un effondrement dans la mesure où cette crise touche directement l’investissement, lequel s’est totalement arrêté. Nos adhérents fabriquent des machines, des systèmes, des imprimantes 3D, des robots ou encore des capteurs… Tous ces équipements s’inscrivent dans un plan d’investissements industriels de leurs clients issus notamment des secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de bien d’autres domaines. Ainsi, nos adhérents ont vu leur production arrêtée en moyenne à 80%. Dans l’aéronautique, alors que l’on comptait beaucoup sur cette filière, la situation est dramatique ; les carnets de commandes à dix ans se sont effondrés comme un château de cartes.

Au sein du Symop, comment réagissez-vous vis-à-vis de cette crise économique ?

Au Symop, nous avons adopté deux approches. La première est une approche à court terme qui consiste à assister le mieux possible nos entreprises adhérentes, pour la plupart des PME et des ETI présentes dans des secteurs où l’investissement est fort. Nous devons donc les aider sur la partie trésorerie, même si elles bénéficient déjà d’un soutien important du gouvernement. Pour cela, nous demandons des mesures concrètes à commencer par un préfinancement des machines ainsi qu’une nouvelle mesure de sur-amortissement fort qui, pour nous, doit passer par un crédit d’impôt ; l’objectif étant de soutenir l’achat de machines. Nous avons d’ailleurs demandé une étude à Accenture Strategy en partenariat avec le Gimelec. Celle -ci montre clairement que relancer l’innovation des process industriels offrira plus de compétitivité et d’agilité dans l’entreprise.

Quelle est la seconde approche ?

Celle-ci vise la reprise de l’investissement dans chacune des filières. Face à la nécessité de générer du cash, les grandes entreprises industrielles ont dû stopper leurs investissements, lesquels pourraient ne pas repartir à la hausse avant le second semestre 2021. D’où le besoin urgent de mettre en place un système de communication directe entre ces grands donneurs d’ordres et les adhérents du Symop ; il s’agit de mettre en valeur leur savoir-faire et de les rendre plus visibles auprès des grandes entreprises au moment où celles-ci reprendront le chemin de l’investissement. 

Pour ce faire, nous avons en projet la création d’un club de réflexion réunissant les directeurs industriels et portant sur les investissements, la transformation digitale de l’industrie, les besoins d’agilité des entreprises, la proximité des moyens de production, la relocalisation ou encore les atouts de la fabrication additive. Cet observatoire sera créé en partenariat avec France Industrie et l’institut d’études économiques Rexecode. Nous devons redevenir des « proposeurs de solutions » et créer un véritable outil de communication. En d’autres termes, nous devons travailler différemment pour que les moyens de production et d’innovation puissent s’adapter pleinement aux décisions des grands groupes. 

Quels sont vos autres projets ?

Toujours dans le domaine de la visibilité, nous menons un autre projet de plateforme permettant de mettre en relation les adhérents avec les acteurs industriels afin de présenter leur savoir-faire de façon dynamique en matière d’intégration et de solutions complètes pour augmenter la productivité des usines. 

Par ailleurs, nous avons le projet de constituer une grande filière autour de la machine intelligente. Contrairement aux structures « verticales » rassemblant des secteurs comme l’automobile ou l’aéronautique, l’approche de cette filière sera « horizontale » et collaborative avec l’ambition de rassembler toute la chaîne de valeur des moyens de production (machines, logiciels, systèmes, intégration…). Rappelons qu’en valeur ajoutée, cette large catégorie des « machines & moyens de production » représente un tissu important (troisième en France derrière la chimie et les matériaux puis la métallurgie) ; cependant, cette filière n’a probablement pas la visibilité voulue en France. 

Avoir une grande filière transverse « machines intelligentes » qui collabore avec les projets d’innovation des secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, des énergies nouvelles, de l’agroalimentaire, etc. nous permettra de passer vraiment dans l’industrie du Futur, un modèle où nous devrons donc repenser de façon globale l’offre de nos entreprises. Il ne s’agira pas simplement de fournir des machines mais des services complets et des solutions globales. De même, il deviendra nécessaire de travailler avec d’autres acteurs partenaires. 

Parmi les actions que vous avez menées pendant la crise, vous avez lancé une bourse d’entraide* pour les industriels. De quoi s’agit-il ?

Créée en partenariat avec le Geppia (le Groupement des équipementiers du process et du packaging des industries agroalimentaires et non-alimentaires), cette bourse a vu le jour en partant du constat que certaines entreprises, comme dans le secteur agroalimentaire et le médical, ont poursuivi leur activité mais pas forcément leurs sous-traitants. De même, elles ont rencontré des problèmes d’approvisionnement aux frontières. À titre d’exemple, un adhérent qui fabriquait des machines pour le milieu hospitalier a vu sa production bloquée à cause d’un sous-traitant dans le traitement de surface, lequel n’étant plus en mesure de poursuivre son activité. Face à cette situation, grâce à cette bourse d’entraide, d’autres industriels ont pu lui proposer leurs services. 

Cette plateforme disponible en ligne permet aux industriels d’échanger entre eux, sans pour autant qu’ils soient adhérents au Symop. Cela a très bien fonctionné durant la crise sanitaire mais nous devons poursuivre son fonctionnement dans ce contexte de réouverture des ateliers de production. La plateforme pourrait également permettre aux entreprises de s’échanger leurs salariés, conformément aux réglementations en vigueur en France, plutôt que de les mettre, en fonction de certaines d’entre elles, au chômage technique. Le succès de cet outil de mise en relation démontre que dans l’industrie il y a aussi beaucoup de solidarité. Et de solidarité, nous allons en avoir besoin !

* Plus d’informations sur
www.bourse-entraide-industrie.com

EQUIPPROD • N°118/119 Avril/Mai 2020